OPINIONS

Une chronique du Père Charles Delhez.
Publiée le lundi 12 mai 2014 dans "La Libre.be"

Il fut un temps où je plaidais pour que l’on réserve le baptême aux adultes, comme durant les premiers siècles de l’Eglise. J’estimais qu’il était important que ce soit un engagement libre et mûr. Je ne fus guère entendu ! On continuait à me demander le baptême pour ces petits. J’avoue que je vois maintenant les choses un peu autrement. Le théologien jésuite Joseph Moingt m’a fait récemment remarquer que l’Eglise avait été comme dépossédée du baptême : il était devenu un bien culturel de la société. De cette constatation, il faut tirer le meilleur. Il n’est pas rare en effet que les parents, qui reconnaissent ne pas avoir la foi, désirent garder ouverte cette porte pour leur nouveau-né. Accueillir leur demande a du sens. Le texte évangélique le plus choisi par eux est d’ailleurs celui où Jésus rabroue ses disciples qui veulent éloigner de lui les enfants.

Ces parents ne saisissent sans doute pas toute la portée religieuse du baptême, mais ils retiendront que leur enfant a de l’importance pour ce Dieu qu’ils ne connaissent que très peu, et pour ceux qui célèbrent ce sacrement en son nom. La communauté chrétienne a en effet pour mission d’être un signe fraternel de la bienveillance de Dieu à l’égard de chacun. Quelle joie, pour le prêtre que je suis, de tenir dans mes bras ces bébés et de les présenter à l’assemblée : reconnaissez en lui un enfant de Dieu ! Certes, il est votre enfant, mais il est encore bien plus. Il n’est pas votre seule possession, son chemin est unique aux yeux de Dieu, il a un lien sacré avec Lui. J’ai donc changé d’avis ! Ces célébrations sont l’occasion de semer un peu d’Évangile dans les cœurs. Il ne s’agit pas de marketing, mais d’une conviction profonde : Dieu réserve un accueil inconditionnel à tous.

La société étant telle qu’elle est aujourd'hui, il est statistiquement peu probable que cet enfant vienne un jour grossir les rangs de l’Eglise. Après une enfance peut-être très religieuse, viendra la remise en question de l’adolescence qui, de nos jours, se prolonge. Un véritable tsunami au niveau de la foi. La confirmation peut dès lors être une occasion offerte par l’Eglise pour que le jeune, au seuil de l’âge adulte, puisse s’approprier ou se réapproprier la foi chrétienne.

Dans l’Eglise latine, l’accueil des enfants est célébré en trois étapes, le baptême, la "première communion" et la confirmation ⁽¹⁾. C’est une opportunité à saisir. Sans doute, à la confirmation, est-ce Dieu qui confirme le don de l’Esprit fait au baptême. Mais encore faut-il que le croyant puisse accueillir cette grâce avec une liberté adulte. La confirmation est alors au baptême ce que la croissance est à la naissance. Heureusement, ce n’est sans doute pas la dernière occasion de s’approprier l’identité chrétienne. Le mariage sera encore une belle opportunité ainsi que les imprévus de l’existence.

Si le baptême des enfants est pour moi source d’une grande joie, que dire du baptême ou de la confirmation de ces jeunes de 17 ou 18 ans que j’ai pu accompagner ? Par contre, combien n’en ai-je pas entendu me confier qu’il ne restait rien, ou presque, de ce qu’ils avaient vécu à l’âge de 12 ans ?

Cet âge demeure, je crois, une étape importante qui mérite d’être marquée par une célébration comme la "profession de foi". Mais une démarche sacramentelle substantielle - la confirmation, en l’occurrence - devrait suivre le remodelage complet de l’adolescence. Ceci n’est cependant qu’une des nombreuses pistes à explorer, à une époque où, dans un monde qui connaît un changement profond et rapide, l’Eglise doit trouver des "routes nouvelles" (pape François) pour annoncer l’Évangile.

⁽¹⁾ Les orthodoxes confèrent ces trois sacrements ensemble, lors de la naissance. De nombreuses Eglises protestantes, surtout évangéliques, réservent le baptême à l’âge adulte.